Négocier son salaire - Partie 3

Estimer sa valeur et évaluer ses prétentions salariales peut être complexe. Assumer ses exigences et négocier avec l’entreprise qui s’apprête à vous embaucher l’est tout autant ! Vous cherchez des clés pour élaborer un argumentaire solide et asseoir votre posture ? Vous tombez bien : Véronique Soussan, Directrice Générale et Fondatrice de l’agence Les Nouveaux Héritiers vous dévoile de précieuses astuces pour y parvenir, à l’occasion de ce troisième article consacré à la négociation salariale.

C’est un fait : nombre de Talents redoutent le moment où ils auront à négocier leur futur salaire. Pourtant, il s’agit d’une étape clé du recrutement, qui rime potentiellement avec une prise de poste imminente. Auriez-vous quelques conseils à partager ?

En premier lieu, pointons un fait qui relève de l’évidence mais qu’il est toujours bon de rappeler : si une négociation s’enclenche, cela signifie que vous avez retenu l’attention des recruteurs… C’est déjà un sacré cap !

Par ailleurs, il ne faut jamais oublier que la négociation qui précède la potentielle embauche s’orchestre autour d’un besoin, réciproque : celui du Talent, qui cherche un nouvel emploi, et celui de l’entreprise, en recherche d’une personne compétente qui saura remplir un certain nombre de missions. Talents et recruteurs sont ici sur un pied d’égalité, et c’est en ce sens que la relation doit se construire : sur la base d’un véritable échange.

Cela étant dit, il est effectivement pertinent de penser cet échange en amont afin qu’il soit le plus constructif possible. Selon moi, la première chose à avoir en tête est la suivante : il est capital de défendre sa rémunération au regard de résultats concrets. Sans éléments factuels pour appuyer votre positionnement, tout est beaucoup plus discutable pour un recruteur. Argumenter sur le montant d’une rémunération isolée du reste n’est pas pertinent : l’entreprise ne rentre pas dans ces considérations, elle s’appuie avant tout sur ce que le Talent peut lui apporter de façon très concrète.

Comment s’y prendre ?

Selon moi, il faut argumenter sur la base de ses compétences, tout en fournissant une estimation de résultats. Ces deux paramètres constituent de solides arguments auxquels les entreprises prêtent attention, et qui peuvent même justifier de prétendre à un salaire supérieur.

Défendre sa rémunération, c’est avant tout s’appuyer sur des faits : être capable de prendre du recul vis-à-vis de ses compétences, de son expérience, tout en se tenant à l’écoute des tendances de son secteur. Travailler ces différents points est aussi une excellente manière de vous poser les bonnes questions et prendre du recul vis-à-vis de votre parcours professionnel… Même si cela n’est pas une tâche évidente !

D’une certaine manière, l’autoévaluation serait donc la clé d’une négociation réussie ?

Cela y contribue fortement en tout cas ! Qui plus est, le fait de vous autoévaluer permet de prendre conscience de la valeur que vous avez au-delà de vos compétences, de prêter attention à votre sens du savoir-être.

Si le savoir-être ne peut constituer un argument à part entière dans le cadre d’une négociation salariale, il peut tout de même impacter fortement le ressenti des recruteurs. Être force de proposition, avoir un mental d’acier, savoir résister au stress ou être constamment de bonne humeur sont autant de traits de personnalité précieux pour les entreprises. Certes, ce ne sont pas des atouts monnayables en tant que tels. On ne peut pas dire : « je prends 3 000 euros de plus parce que je suis rayonnante » ! Mais il est primordial d'en avoir conscience, de cerner ce qui vous démarque des autres. Le fait d’analyser tout cela, c'est aussi vous permettre d'être vous-même, de construire un raisonnement plus assuré, et par conséquent de développer votre leadership. Cela contribue à instaurer une relation d’équilibre entre le recruteur et vous. La phase de négociation peut même s’avérer plus aisée, les recruteurs craignant de vous voir filer vers une autre proposition.

Il faut apprendre à se connaître… Et se faire confiance, pour inspirer confiance.

Justement, parlons de cette notion de confiance en soi : comment trouver l’aplomb suffisant pour assumer le niveau de rémunération que l’on s’est fixé ? Dans quel cas demander plus que le salaire proposé peut-il se justifier ?

Au-delà de l’analyse du marché et de la fourchette de salaire moyenne observée sur des postes similaires du même secteur, ce que l’on dit de vous et de votre travail est un formidable indicateur qu’il faut exploiter ! Le retour de vos collègues et de vos managers en dit long sur vous, professionnellement et humainement (qualité de votre travail, performances, compétences, tempérament, manière d’interagir, engagement, etc.). Les retours que l’on fait sur votre travail sont toujours excellents ? Les entreprises dans lesquelles vous avez travaillé ont toujours cherché à vous garder ? Il y a fort à parier qu’au-delà de vos strictes compétences, votre état d’esprit, votre engagement et votre perception sauront retenir l’attention. Tout cela montre bien que vous êtes quelqu'un de précieux et que vous pouvez peut-être effectivement vous permettre de vous positionner légèrement au-dessus des tendances du marché. Mais attention : pour cela, il faut être certain de votre valeur… Et pouvoir la démontrer.

Justement, quels biais emprunter pour y parvenir ?

S’appuyer sur les résultats obtenus lors de vos précédentes expériences par exemple, est une très bonne idée. Être capable de démontrer des performances supérieures à celles observées en général sur le type de poste auquel on prétend - notamment en délivrant des chiffres précis - permet clairement de se démarquer. Si vous annoncez des performances 20% supérieures à ce qui est attendu ou à ce qui est habituellement observé au sein de l’entreprise, vous susciterez immédiatement l’intérêt chez votre interlocuteur, c’est évident.

De même, la participation à des projets annexes qui dépassent le cadre strict de vos missions d’origine, toute forme d’initiative prise au cours de vos précédentes expériences doivent être mises en avant : ces actions sont le témoin de ce que vous êtes et de votre capacité d’engagement. Enfin, il ne faut pas hésiter à demander des recommandations à vos précédents employeurs. En toute logique, ils se feront un plaisir de vous donner un coup de pouce et ne tariront pas d’éloges à votre sujet !

C’est l’ensemble de ces éléments qui vous permettent de vous démarquer. Cela peut avoir un impact considérable et vous mener à négocier une rémunération plus élevée que celle escomptée.

Côté recruteurs, quelle réflexion est menée ? Sur quelles bases reposent leur argumentaire ?

Tout comme vous, les recruteurs commencent par étudier les prix du marché pour se positionner en conséquence. Leur stratégie peut ensuite grandement varier selon le parti pris et le business model de l’entreprise, dont ils sont tributaires. Là où certaines organisations misent sur un turnover fréquent de leurs collaborateurs, d’autres souhaitent maintenir leurs équipes dans la durée. Si la rémunération n’est pas le seul critère impactant la propension des collaborateurs à rester, elle joue tout de même un rôle considérable, il faut bien l’avouer. Aussi, selon les pistes stratégiques privilégiées par l’entreprise, les fourchettes de salaire se situeront plutôt au-dessus ou en dessous des prix observés chez les entreprises concurrentes.

Il va de soi qu’une entreprise se situant en-deçà des prix du marché agit en connaissance de cause : elle sait que ses collaborateurs rejoindront la concurrence tôt ou tard.  Il faut toujours partir du principe que cette question fait l’objet d’une réflexion poussée : toute organisation se tient informée du marché, et le positionnement adopté vis-à-vis de la rémunération - quel qu’il soit - est assumé.

Ce paramètre est-il immuable ?

Tout dépend… Cette tendance s’observe également à plus petite échelle, et cela peut peser dans la balance. Une entreprise dont le fonctionnement repose sur un turnover important pratique parfois des exceptions. Elle peut ainsi décider, pour répondre aux besoins de son business, de miser davantage sur ce qu’elle considère comme étant des postes clés. Elle peut donc prendre le parti de fixer une rémunération plus élevée que celle observée sur le marché uniquement pour les postes de commerciaux par exemple… Parce qu’elle estime que la santé de l’entreprise en dépend et/ou parce qu’elle éprouve plus de difficultés à recruter sur ces postes. Ces éléments constituent donc un très bon indicateur si vous souhaitez vous faire une idée du positionnement de l’entreprise vis-à-vis de ses équipes. Suivant cette même logique, l’entreprise peut décider de revoir la rémunération d’un Talent à la hausse parce qu’elle juge sa présence indispensable, irremplaçable.

Au-delà des prix observés sur le marché, il faut donc bien avoir en tête que la question de la rémunération dépend de la politique interne et externe de l’entreprise, mais aussi de la valeur que représente chaque Talent, pour ce qu’il est et donne à voir aux recruteurs et à ses futurs managers.

Quel est, selon vous la clé d’une négociation réussie ?

S’il n’existe pas d’approche parfaite, je crois qu’il est primordial d’avoir conscience que tout le monde a une carte à jouer, et que contrairement à ce que l’on peut parfois imaginer, les choses sont rarement figées, loin de là. Vos performances, votre expérience, vos compétences et votre savoir-être peuvent tout faire basculer. Bien vous connaître, être vous-même, vous faire confiance et mettre en avant chaque atout qui vous est propre, c’est mettre toutes les chances de votre côté pour négocier une rémunération qui vous convienne. Exploitez le meilleur de vous-même !